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ALEXANDRE LE GRAND

En 1981, sort en librairie le troisième et dernier tome de la monumentale biographie  romancée d’Alexandre le Grand par Roger Peyrefitte, dont la publication s’est étalée sur quatre ans. Arno Breker et Roger Peyrefitte se connaissent depuis le début des années 60. En 1964, Breker avait modelé le buste de l’écrivain à la demande de celui-ci; puis ils s’étaient revus à diverses reprises, à Paris, au cours des années 70. Absorbé par la rédaction de son ouvrage, qu’il considérait lui-même comme son œuvre maîtresse, Peyrefitte avait alors suggéré à Breker l’idée de réaliser le buste de son héros pour la ville de Pella, capitale de l’ancienne Macédoine et ville natale d’Alexandre. L’idée avait fait d’autant plus aisément son chemin dans l’esprit d’Arno Breker que le projet n’est pas vraiment nouveau pour lui.

L’image que Breker entend donné d’Alexandre n’est pas celle du conquérant ; c’est celle — ici encore — du jeune homme dans la plénitude de sa beauté, dont le regard se tourne, visionnaire, vers le rêve qu’il nourrit, vers le destin qu’il veut donner aux hommes — figure prométhéenne, s’il en est.

            Et si le portrait, comme œuvre sculpturale, se veut une manière de « résumé archétypique » de tous les portraits existants d’Alexandre, Breker souhaite également lui imprimer la présence d’une représentation en pied, donner corps au portrait en somme. Breker insistera d’ailleurs à plusieurs reprises sur la nécessité de percevoir la figure d’Alexandre non pas tant comme une figure historique, et à ce titre détachée, à distance de nous, que sous l’angle d’une présence dont la légende même aurait beaucoup avoir avec notre temps. C’est du reste ce qui l’avait frappé à la lecture du livre de Roger Peyrefitte.

            La force lui manquant toutefois pour se lancer dans la réalisation d’une statue de grande taille, et l’expérience du marcottage à l’occasion de la commande pour la Weserbergland Klinik (Ewiges Leben) s’étant avérée concluante, Breker se tourne alors vers les statues qui peuplent dans son parc. Le Héraut de 1939 se prêterait presque idéalement à recevoir la tête d’Alexandre, si la statue n’avait déjà servi, précisément pour le groupe de la Weserbergland Klinik ; le Porte-Flambeau de 1940, fort proche du Héraut, notamment par le mouvement des bras, est en revanche disponible et, par le superbe déploiement de ses formes corporelles, s’offre à incarner cette beauté plastique dont le parfait équilibre et l’harmonie, fondus dans le bronze, tendent à exprimer l’idée de la nature humaine, libérée des entraves du temps, saisie comme sur un fond d’éternité, re-présentée à son plus haut degré d’achèvement, comme le voulait Gœthe, lorsqu’il appelait l’artiste à subsumer chaque individu, par un bond de l’imagination, dans « un acte de vision ou de synthèse intuitive » pour ainsi représenter « le type ou l’universel vu dans son harmonie et sa pureté invisible sub specie æternitatis. »

Substituant une lance au flambeau que tenait la figure originale, Breker adjoint en outre à la statue l’un des superbes aigles aux ailes déployées qu’il avait destinés à la grille d’entrée de la Grand Place de Berlin, — allusion à la légende selon laquelle Alexandre serait fils de Zeus.

Porte-flambeau
(destiné à la Grand Place de Berlin)